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L’internement de sûreté : une mesure allemande

L’internement de sûreté – Sicherungsverwahrung en allemand – qui constitue une « mesure de défense sociale », a été introduit en Allemagne par la loi sur les criminels d’habitude du 23 novembre 1933.

L’objet de cette loi est de lutter contre la dangerosité présumée de l’individu en prévoyant dans le cadre de la sanction pénale, non seulement la peine mais aussi la mesure de sûreté.

L’Allemagne, ajoute donc aux peines des personnes dites « dangereuses » différentes mesures préventives, ce qui n’est pas possible en France puisque cela constitue selon la loi française une peine et reviendrait ce faisant à sanctionner deux fois le même individu pour les mêmes faits. En revanche, l’Allemagne ne considère pas ce type de mesure comme une peine et peut ainsi les ajouter aux peines prononcées.

L’internement de sûreté implique pourtant une atteinte importante aux libertés fondamentales puisqu’elle consiste à infliger une détention à un individu pour une durée indéterminée et, potentiellement, illimitée, en raison d’un crime qu’il serait susceptible de commettre.

Naturellement, ne s’agissant pas d’une peine, les recours et les garanties qui sont attachés en principe à la peine, ne sont sensiblement pas les mêmes…

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LA PAROLE DE L’AVOCAT : SERVE OU LIBRE ?

La condamnation d’un avocat pour avoir, juste après le prononcé d’un verdict, imputé publiquement à un jury criminel une partialité résultant de préjugés raciaux, a été jugée disproportionnée par la Cour Européenne des Droits de l’hommes.

CEDH 19 avr. 2018, Ottan c/ France, n° 41841/12

Pour avoir prononcé les paroles suivantes après qu’une course d’assises ait acquitté un gendarme comparaissant pour violences volontaires ayant entraîné la mort d’un jeune homme dans une course poursuites:

j’ai « toujours su qu’il [l’acquittement] était possible. Un jury blanc, exclusivement blanc, où les communautés ne sont pas toutes représentées (…) la voie de l’acquittement était la voie royalement ouverte, ce n’est pas une surprise »

L’avocat était convoqué devant le conseil de discipline des barreaux du ressort de la cour d’appel de Montpellier pour avoir manqué aux principes déontologiques essentiels de sa profession, notamment de délicatesse et de modération, par des propos tenus publiquement et imputant à la cour et aux jurés une partialité raciale.

Le Conseil de discipline l’a relaxé.

Le procureur général a fait appel.

La Cour d’appel estima que les manquements déontologiques étaient caractérisés et prononça un avertissement contre l’avocat.

La Cour de Cassation saisie par l’avocat rejeta son pourvoi estimant que les paroles qu’il avait formulée publiquement à l’annonce du verdict, prononcées en dehors du prétoire, n’étaient pas couvertes par l’immunité judiciaire bénéficiant aux avocats dans l’exercice de leurs fonctions.

L’avocat saisit alors la Cour de Strasbourg invoquant la violation de son droit à liberté d’expression prévu à l’article 10 de la Convention européenne.

La Cour estime finalement cette sanction disproportionnée.

Elle rappelle que la défense d’un client peut, dans certaines circonstances, se poursuivre hors des prétoires si plusieurs conditions sont remplies :

  • si les propos ne constituent pas des attaques gravement préjudiciables à l’action des tribunaux,

  • s’ils ne dépassent pas le commentaire admissible et s’appuient sur une base factuelle solide,

  • si l’avocat s’exprime dans le cadre d’un débat d’intérêt général et s’il a exercé les voies de recours disponibles.

S’appuyant sur ces critères, la Cour note d’abord que « la déclaration litigieuse prononcée à la sortie de la salle d’audience, s’inscrivait dans une démarche critique pouvant contribuer à ce que le procureur général fasse appel de la décision d’acquittement », afin de disposer d’une possibilité de proroger la défense de son client.

Elle rappelle ensuite que « le public a un intérêt légitime à être informé et à s’informer sur les procédures en matière pénale, et que les propos relatifs au fonctionnement du pouvoir judiciaire concernent un sujet d’intérêt général » et juge que « les propos reprochés {à l’avocat}, qui concernaient le fonctionnement du pouvoir judiciaire, en particulier la procédure devant la cour d’assises avec participation d’un jury populaire, et le déroulement d’un procès criminel portant sur l’usage des armes à feux par les forces de l’ordre, s’inscrivaient dans le cadre d’un débat d’intérêt général ».

S’agissant de la nature des propos la nature des propos, la Cour estime que bien que connotés négativement, « ils se rapportaient davantage à une critique générale du fonctionnement de la justice pénale et des rapports sociaux qu’à une attaque injurieuse à l’égard du jury populaire ou de la cour d’assises dans son ensemble », rappelant que la liberté d’expression vaut aussi pour les informations ou idées qui « heurtent, choquent ou inquiètent ».

Enfin, la Cour relève que les propos s’inscrivaient dans un contexte de grande tension sociale ayant atteint son paroxysme, près de six ans après les faits, avec le verdict de la cour d’assises, les faits ne permettant pas d’établir, selon elle, une atteinte à l’autorité du pouvoir judiciaire suffisante pour justifier la condamnation de l’avocat.

Et à ce titre, elle souligne que bien que la sanction prononcée contre l’avocat ait été la plus faible possible, elle n’est pas neutre et ne saurait justifier, à elle seule, l’ingérence subie par l’avocat.

Victoire de notre liberté d’expression ou brèche dangereuse?

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LORSQUE LE DROIT À LA VIE VIENT LIMITER LE RECOURS À LA FORCE

Dans un arrêt du 7 juin dernier la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour violation du droit à la vie, en raison du tir mortel d’un gendarme sur le passager arrière d’une voiture en fuite.

Elle s’est principalement fondée sur l’absence de danger immédiat pour justifier d’un tel tir et sur le fait que les occupants étaient soupçonnés d’avoir commis des atteintes aux biens (non aux personnes) et n’étaient pas armés, ce qui ne justifiaient ce faisant pas une telle atteinte à leur droit à la vie.

Les évènements tragiques de la nuit du 27 au 28 novembre 2008

Rappelez-vous, cela se passait durant la nuit du 27 au 28 novembre 2008, un jeune était décédé à la suite du cinquième ou sixième tir d’un gendarme alors qu’il se trouvait à l’arrière d’un véhicule en fuite, que les forces de l’ordre tentaient d’arrêter pour interpeller les occupants soupçonnés d’avoir commis un vol de carburant et un cambriolage.

Une instruction était ouverte contre ce gendarme et se terminait par un non-lieu, le juge d’instruction saisi considérant que l’usage de l’arme était absolument nécessaire et qu’il y avait lieu de conclure à l’irresponsabilité personnelle du gendarme tireur.

La famille de la victime avait fait appel de cette ordonnance de non-lieu devant la Chambre de l’Instruction, en vain…

Le droit à la vie n’est pas un droit absolu mais pas non plus un droit subsidiaire…

Le droit à la vie, en tête des droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme, n’est pas un droit absolu.

Le droit à la vie n’est pas violé lorsque la mort résulte, dans le cadre d’une arrestation régulière, d’un recours à la force absolument nécessaire…

Et il n’y a pas, il ne peut pas y avoir absolue nécessité, selon la CEDH dans un cas comme celui-ci!

Il ne peut y avoir pareille nécessité lorsque l’on sait que la personne qui doit être arrêtée ne représente aucune menace pour la vie ou l’intégrité physique de quiconque.

Il ne peut être reconnu une telle nécessité lorsque la personne poursuivie n’est pas soupçonnée d’avoir commis une infraction à caractère violent.

Il ne peut encore moins être relevé quelconque nécessité au seul motif que l’absence de recours au tir rend quasiment impossible d’arrêter le suspect ou le fugitif.

La force utilisée doit être strictement proportionnée aux buts légitimes visés.

Le droit à la vie de l’un s’arrête là où commence le droit à la vie de l’autre…

Une appréciation française toute subjective du recours nécessaire à la force

Que dire alors, compte tenu de ce qui précède, d’un magistrat instructeur qui, mettant en balance le vol de carburant et un cambriolage sans la moindre violence avec plusieurs tirs d’arme à feu dont chacun peut être mortel, estime le recours à la force régulier et légitime ?

La CEDH a pourtant l’esprit large puisqu’elle considère que le recours à la force peut se justifier par une conviction honnête, fondée sur de bonnes raisons – même si elles se révèlent ultérieurement erronées -, d’une possible agression par le suspect ou fugitif.

La CEDH a donc, à la lumière des principes et limites qui précèdent, examiné les circonstances de drame…

Et contrairement au Juge d’instruction, mais également de la Chambre d’instruction confirmant l’ordonnance de non-lieu qui avait anéanti tout une famille et une partie de la population, la CEDH a considéré que la force utilisée n’était absolument pas nécessaire, ce qui apparaît relativement manifeste…

Une accumulation d’indices relevés froidement en faveur du droit à la vie par la CEDH

Se fondant sur une analyse minutieuse et précise des circonstances, la CEDH a considéré que le degré de risque de l’utilisation de la puissance du feu contre le véhicule n’était manifestement pas proportionné au regard du danger représenté par la voiture fugitive et l’urgence qu’il y avait à l’arrêter.

Et la Haute Cour relève que :

  • certes, les autorités avaient d’abord actionné les avertisseurs sonores et lumineux

  • effectivement elles ont effectué deux tirs de flash Ball,

  • dans ce même esprit, elles ont adressé des sommations interpellatives lorsque le véhicule s’était trouvé bloqué par un dispositif de gendarmerie

  • bien sûr, le véhicule avait roulé à vive allure en direction du gendarme, obligeant celui-ci à l’esquiver.

Toutefois, comment ne pas relever et souligner la connaissance qu’avait ce dernier gendarme, qui a tiré à sept reprises sur ce véhicule :

  • de la présence de trois personnes dans la voiture

  • du grand risque de blesser ou tuer ces occupants

  • des chances quasiment inexistantes de toucher le moteur ou les pneus pour stopper le véhicule.

« Un tel degré de risque pour la vie ne peut être justifié que si la puissance de feu est utilisée en dernier recours, pour éviter le danger très clair et imminent que représente le conducteur de la voiture au cas où il parviendrait à s’échapper ».

Il a fallu admettre que le véhicule avait opéré des manœuvres dangereuses.

Mais il a fallu également relever que ces manœuvres étaient uniquement imputables au conducteur et non pas aux passagers qui ont été touchés par les tirs et qui eux étaient soupçonnés d’avoir commis des atteintes aux biens alors qu’il n’a jamais été considéré qu’ils étaient armés.

Il a fallu également s’attarder sur le fait qu’au moment des tirs, la vie du gendarme et de ses collègues n’était plus menacée, le véhicule étant déjà en fuite, sans mettre par ailleurs en danger d’autres usagers de la route.

La CEDH exclut ainsi que le gendarme ait pu agir avec la « conviction honnête que sa propre vie et son intégrité physique, de même que la vie de ses collègues ou d’une autre personne se trouvait en péril ».

L’ironie du droit à la vie

Comment ne pas être stupéfait par la décision d’un juge d’instruction en droit interne qui exclut toute forme de responsabilité du gendarme confrontée quelques années plus tard à la décision de la CEDH qui relève des éléments de fait de pur bon sens qui ne peuvent que heurter quant à l’usage proportionné de la force au nom de l’ordre public et du droit à la vie…

Serait-ce par ironie que la Cour européenne des droits de l’homme indique pour en terminer « que, postérieurement à la présente espèce, la France a adopté, le 28 février 2017, une loi qui, intégrant les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour, énonce que les forces de l’ordre ne peuvent faire usage de leur arme qu’en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée »?

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LA COMPARUTION SUR RECONNAISSANCE PREALABLE DE CULPABILITE

LA COMPARUTION SUR RECONNAISSANCE PREALABLE DE CULPABILITE (CRPC)

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) est une procédure mise en place par loi Perben II du 9 mars 2014 également appelée « plaider coupable » et constitue mode de saisine du Tribunal correctionnel applicable lorsque l’auteur de certaines infractions reconnait les faits qui lui sont reprochés au cours de l’enquête ou de l’instruction.

Le Procureur de la République peut décider d’y recourir d’office ou à la demande de l’intéressé.

La CRPC consiste pour le Procureur de la République, à proposer une ou plusieurs peines au suspect ayant reconnu les faits qui, s’il l’accepte, est soumise à l’homologation du Président du Tribunal de Grande Instance.

Les conditions de mise en œuvre de la CPRC

  • Conditions liées à la personne

La CRPC est applicable uniquement à une personne majeure, laquelle reconnaît avoir commis un délit.

  • Conditions liées à l’infraction

La CPRC est applicable uniquement pour les délits uniquement, les crimes et les contraventions sont exclus du champ de la CRPC.

Les délits suivants ne peuvent pas faire l’objet d’une CRPC (articles 495-7 et 495-16 et du Code de procédure pénale) :

  • Délits de presse ;

  • Homicide involontaire ;

  • Délits politique ;

  • Délits d’atteintes volontaires ou involontaires à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles punis d’une peine d’emprisonnement supérieure à 5 ans.

La procédure de CPRC

Au terme de l’enquête et au vu des faits, le Procureur de la République peut convoquer la personne soupçonnée, s’il estime qu’une procédure de CRPC est préférable à un procès correctionnel.

La personne soupçonnée doit obligatoirement être assistée par un avocat.

La procédure se déroule en 3 temps :

  • Proposition du Procureur de la République

Le Procureur de la République reçoit la personne soupçonnée dûment convoquée, assisté de son avocat, et lui formule une proposition portant sur l’exécution d’une ou plusieurs peines principales ou complémentaires encourues.

Les peines proposées sont limitées aux peines suivantes :

  • Une peine d’amende, dont le montant ne peut être supérieur à celui de l’amende encourue pour l’infraction reprochée;

Et/ou

  • Une peine d’emprisonnement dont la durée ne peut être supérieure à un an, avec ou sans sursis, ni excéder la moitié de la peine encourue pour l’infraction reprochée.

La peine d’emprisonnement est ainsi minorée dans le cadre de la CRPC.

ROLE DE L’AVOCAT

L’avocat de l’intéressé dont la présence est obligatoire, a la faculté de consulter le dossier en amont et en principe a également la faculté de s’informer avant l’audience de la peine qui sera proposée par le Procureur de la République.

Le rôle de l’avocat consiste à diminuer et/ou proposer l’application d’une peine plus adaptée et proportionnée à la personnalité et à la situation de son client, en présentant éventuellement des pièces à l’appui de ses arguments, préalablement recueillies auprès de son client.

La décision de l’auteur des faits

L’intéressé peut s’entretenir librement avec son avocat avant de faire connaître sa décision au Procureur de la République.

Il peut :

  • Accepter la proposition : l’intéressé est alors présenté au Président du Tribunal de Grande Instance pour homologation de l’accord intervenu (cf l’audience d’homologation supra) ;

  • Refuser la proposition : Le Procureur de la République renvoie alors nécessairement l’intéressé devant le Tribunal correctionnel pour être jugé lors d’une audience correctionnelle ordinaire pour les faits qui lui sont reprochés.

  • Solliciter un délai de réflexion de 10 jours maximum : Le Procureur de la République peut alors décider de présenter la personne devant le Juge des Libertés et de la Détention (JLD), lequel pourra, durant ce délai, ordonner son placement sous contrôle judiciaire, son placement sous bracelet électronique ou son placement en détention provisoire uniquement si l’une des peines proposées est supérieure ou égale à deux mois d’emprisonnement ferme et que le Procureur a demandé sa mise à exécution immédiate.

La nouvelle comparution de la personne devra voir lieu devant le Procureur de la République, dans un délai compris entre 10 et 20 jours à compter de la décision du JLD.

ROLE DE L’AVOCAT

L’avocat analyse le caractère adapté de la proposition et conseille son client sur la décision à prendre en évaluant notamment les risques d’une peine plus lourde qui pourrait être ordonnée devant le Tribunal correctionnel ainsi que les risques de détention en cas de demande d’un délai de réflexion.

L’audience d’homologation

Lorsque l’intéressé a accepté la proposition formulée par le Procureur de la République, celui-ci est par la suite entendu par le Président du Tribunal de Grande Instance assisté par son Conseil, lors d’une audience publique.

Le Président vérifie en premier lieu la réalité des faits et leur qualification juridique puis constate en la présence de son avocat, que l’intéressé a reconnu ces faits et accepté la ou les peines proposées.

Il apprécie ensuite si ces peines sont justifiées au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur (article 495-9 et 495-11 du Code de procédure pénale).

Le Président peut :

  • Refuser l’homologation : s’il estime que la nature des faits, la personnalité de l’intéressé la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire. Le Juge doit alors saisir le Juge d’instruction ou Tribunal correctionnel afin que l’intéressé soit jugé dans le cadre d’un procès classique ;

  • Valider la proposition : le Président rend alors une ordonnance d’homologation.

Le Juge ne peut en revanche ni modifier ni compléter la peine proposée par le Procureur de la République.

L’appel de l’ordonnance d’homologation : L’ordonnance d’homologation produit les effets d’un jugement de condamnation, elle est immédiatement exécutoire.

L’’intéressé dispose d’un délai de 10 jours pour faire appel étant précisé que la Cour d’appel ne pourra alors pas prononcer une peine plus sévère que celle homologuée lors de l’audience d’homologation.

ROLE DE L’AVOCAT

L’avocat assiste son client au cours de l’audience devant le Président du Tribunal de Grande Instance et s’assure que son client réitère la reconnaissance des faits commis et l’acceptation de la peine proposée par le Procureur de la République.

L’avocat peut donner des précisions et éléments éventuellement sollicités par le Président afin de s’assurer que la proposition soit homologuée au terme de l’audience.

La victime dans la procédure de CRPC

Lorsqu’elle est identifiée, la victime doit être informée de la mise en œuvre de la procédure et doit être invitée à comparaitre lors de l’audience d’homologation pour y être entendue, assistée de son avocat si elle le souhaite.

Elle a la faculté de se constituer partie civile et de solliciter lors de l’audience d’homologation, des dommages intérêts en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi.

Le Président du Tribunal de Grande Instance statuera sur cette demande de dommages-intérêts.

Dans le cas où la victime n’a pu être contactée avant l’audience ou si celle-ci n’a pas solliciter de dommages intérêts lors de l’audience d’homologation, le Procureur de la République doit l’informer de son droit de poursuivre l’auteur des faits devant le Tribunal correctionnel, lequel statuera alors uniquement sur les intérêts civils (indemnisation de la victime).

ROLE DE L’AVOCAT

L’avocat, informé au préalable des demandes de la victime dans le respect du principe du contradictoire, a la faculté de répondre à ces demandes lors de l’audience et de s’y opposer ou tenter d’en réduire le quantum en exposant la situation financière et la personnalité de son client, à l’appui de pièces justificatives recueillies auprès de lui au préalable.

Le Cabinet A.SEBAG AVOCATS assiste les personnes convoquées à une audience de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, aux tarifs suivants :

    • CRPC devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS : 1.200 €uros TTC (1.000 € HT)

    • CRPC devant les Tribunaux de Grande Instance de CRETEIL, NANTERRE, PONTOISE et BOBIGNY : 1.440 €uros TTC (1.200 € HT)

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LA LOYAUTE DE LA PREUVE EN DROIT PENAL

Ecoutes : la fin ne justifie pas les moyens.

UN PEU DE DROIT

Dans le cadre d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire, le Procureur ou le Juge d’instruction peuvent demander aux policiers en charge de l’enquête de recueillir des éléments utiles à la manifestation de la vérité.

Parmi les moyens de récolte des preuves figurent les écoutes qui ont toujours fait débat s’agissant d’une intrusion dans la vie privée qui apparaît pour certains contestable voir même abusive eu égard au but recherché.

Un autre débat est celui de la loyauté dans la récolte de cette preuve.

La justice française n’admet pas l’utilisation de stratagèmes ou de machination de nature à déterminer la commission d’un crime ou d’un délit car elle porte atteinte au principe de la loyauté des preuves et qu’il n’est pas exclu que sans ce stratagème, le délit ou le crime n’aurait peut-être jamais été commis.

Cela s’applique aux infiltrations mais également aux écoutes qui sont plus répandues et utilisées.

Apportons ici un éclairage sur la légalité des écoutes téléphoniques et sonorisations sous le prisme de deux affaires de justice qui ont fait grand bruit récemment dans la presse…

Il y a quelques mois de cela, deux affaires ont défrayé la chronique, l’une dans le milieu du football français, l’autre dans le milieu de la presse française à l’international.

L’affaire du chantage à la Sextape dont aurait été victime Mathieu VALBUENA et dans laquelle Karim BENZEMA a été mis en cause,

Et celle du prétendu chantage de deux journalistes du Journal Le Monde au préjudice du Royaume du Maroc

Ces deux affaires ont déjà donné lieu à des décisions de justice que je vous livre ici puisqu’elles intéressent non seulement les principes fondamentaux du procès pénal mais également les circonstances de deux enquêtes qui ont intéressé la France entière.

Et je suis bien loin ici de débattre sur la culpabilité ou l’innocence des différents mis en examen, bien trop respectueuse du principe de la présomption d’innocence dont je suis la garante.

Dans ces deux affaires, parmi les preuves soumises aux juges d’instruction en charge de ces enquêtes respectives, figuraient des enregistrements.

1° Dans l’affaire de la « Sextape », je vous rappelle les faits, M. VALBUENA a déposé plainte pour des faits de chantage après avoir été contacté, selon ses déclarations, le 3 juin 2015 par une personne prétendant détenir un enregistrement audiovisuel à caractère sexuel dans lequel il apparaissait.

UN PEU DE DROIT

Au stade de la plainte, il convient de vous préciser que les policiers sont sous l’autorité du Procureur de la République lequel peut décider d’ouvrir une enquête et donne dans ce cadre des pouvoirs et des instructions précises au policier affectés à l’enquête.

A l’issue de cette enquête, le Procureur est juge de l’opportunité des poursuites, c’est-à-dire qu’il peut :

considérer qu’il n’existe pas d’élément établissant la commission d’une infraction et classer sans suite

considérer qu’il existe des indices graves, précis et concordants et convoquer les mis en cause à une audience correctionnelle où ils seront jugés sur les faits qui leur sont reprochés par le Parquet

considérer que l’affaire est suffisamment complexe pour nécessiter un temps supplémentaire à l’enquête et dans ce cas saisir un juge d’instruction qui va prendre le relais et instruira à charge et à décharge.

Au stade de la simple plainte, M. VALBUENA a indiqué aux enquêteurs qu’il ne souhaitait ni ne pouvait entrer lui-même en relation avec les détenteurs de l’enregistrement.

C’est dans ces circonstances que le Procureur de la République a autorisé la police judiciaire à représenter la star du ballon rond dans la négociation.

Un commissaire de Police s’est ainsi présenté sous un pseudo comme représentant les intérêts du footballeur et a participé du 20 juin au 12 octobre 2015 à plusieurs conversations téléphoniques avec une personne se présentant comme l’intermédiaire des détenteurs de la « sextape ».

Vu l’ampleur et la durée de ces « négociations », un juge d’instruction a été saisi le 31 juillet 2015 et les principaux protagonistes de l’affaire ont été interpellés le 13 octobre 2015 ;

Certains d’entre eux ont été mis en examen le 5 novembre 2015 et sans violer le secret de l’instruction laquelle a été excessivement médiatisée, K.BENZEMA était l’un de ces mis en examen.

Le 4 mai 2016, plusieurs confrères parmi lesquels celui de K.BENZEMA ont sollicité l’annulation de cette procédure.

L’avocat de K. BENZEMAN soutenait que la violation du secret de l’instruction qui avait nécessairement fait grief au footballeur qui, c’est un fait, était sélectionnable en équipe de France.

De nombreux organes de presse, de radio ou de télévision : Closer, le Parisien, l’Equipe, le Monde, l’AFP, Europe 1… ont non seulement commenté l’évolution de la procédure mais ont publié des passages de procès-verbaux d’interrogatoires de K.BENZEMA ou des autres protagonistes, des retranscriptions des écoutes téléphoniques.

Si cette violation n’est pas en soit contestée par la Chambre de l’instruction, elle n’est pas reconnue comme une cause de nullité de la procédure puisqu’elle n’a pas influencé l’enquête ni l’instruction en cours.

Cette violation peut en revanche ouvrir droit, pour celui qui s’en prétend victime, au recours prévu par l’article 9-1 du code civil relatif au respect de la présomption d’innocence qui semblerait avoir été bafoué directement ou indirectement s’agissant d’une personnalité très en vue et désormais controversée.

Il était également demandé l’annulation des écoutes téléphonique dès lors que le Commissaire de police qui disait représenter VALBUENA aurait, sous couvert d’un pseudonyme, provoqué les malfaiteurs à commettre l’infraction de tentative de chantage.

Ces écoutes étaient-elles déloyales ?

Le policier présenté sous un pseudo comme représentant de VALBUENA a-t-il provoqué ou incité à la commission de l’infraction de chantage ?

La Cour de cassation répond par oui.

Elle estime qu’en prenant contact avec différentes personnes en vue de les « inciter à », le Commissaire a manifestement provoqué la commission de nouvelles infractions du même type.

Et que pour écarter l’existence d’une provocation à la commission de l’infraction, il aurait fallu mieux rechercher le rôle actif joué par ce Commissaire.

Parmi les éléments qui viennent confirmer la thèse de l’incitation, le fait qu’après plusieurs semaines de silence des maîtres chanteurs, c’est l’officier de Police sous son pseudo qui a pris l’initiative de les rappeler, de diriger la conversation, d’aborder la question financière.

2° Dans l’affaire des journalistes du journal Le Monde contre le Royaume du Maroc, ce dernier a dénoncé en 2015 au Procureur de la République des faits de chantage et d’extorsion de fonds en joignant à sa plainte l’enregistrement d’une conversation qui s’était déroulée le 11 août précédent entre le représentant de cet Etat et Eric LAURENT, l’un des auteurs d’un livre paru en 2012 sous le titre “Le Roi prédateur”.

Au cours de cette conversation enregistrée, le journaliste aurait sollicité le paiement d’une somme d’argent contre la promesse de ne pas publier un nouvel ouvrage consacré au souverain marocain.

Une enquête préliminaire était immédiatement ouverte par le Procureur de la République sur ces faits (voir UN PEU DE DROIT).

Le 21 août suivant, une nouvelle conversation se tenait en un lieu placé sous la surveillance des enquêteurs, et faisait ainsi l’objet d’une retranscription sur procès-verbal par ces derniers sur la base de l’enregistrement effectué par le représentant de l’Etat.

Un juge d’instruction était alors saisi de cette enquête qui prenait de l’ampleur…

Un nouveau rendez-vous se tenait le 27 août 2015 avec les deux journalistes auteurs de l’ouvrage précité, dans un lieu également placé sous surveillance policière et où la conversation, toujours enregistrée par le représentant de l’Etat marocain, était retranscrite par la police sur procès-verbal.

A cette occasion, des sommes d’argent étaient remises par le représentant du Royaume du Maroc aux deux journalistes, qui étaient ensuite interpellés en possession des 80 000 euros et d’exemplaires de l’engagement de renonciation à publication.

Les deux journalistes étaient mis en examen pour chantage et extorsion de fonds les 28 et 29 août 2015.

Ils demandaient l’annulation des procès-verbaux de retranscription des enregistrements qu’ils considéraient illégaux.

Selon les avocats de ces journalistes, les enquêteurs ne pouvant pas juridiquement procéder à la sonorisation de l’endroit où avaient lieu les rencontres, y ont procédé indirectement et illégalement, par l’intermédiaire du représentant du plaignant, détournant ainsi la loi restreignant les écoutes.

Ils essayaient de démontrer la participation indirecte, par instigation et interdite des enquêteurs dans ces écoutes par leur présence constante sur les lieux des rencontres, la remise à ceux-ci, par le plaignant, des enregistrements suivis de leur retranscription ainsi que les contacts réguliers entre les enquêteurs, le représentant de l’Etat marocain et l’autorité judiciaire.

Ces arguments ont été rejetés et les enregistrements considérés comme des preuves loyales car il apparaissait légitime, de la part d’une victime ayant déposé plainte pour chantage et extorsion de fonds, d’informer les enquêteurs de l’avancement des démarches de ceux qu’elle accuse.

Pour la Cour de Cassation, les services de police et les magistrats, saisis d’une telle plainte, se devaient d’intervenir pour organiser les surveillances de nature à confirmer ou infirmer les dires du plaignant et, si nécessaire, interpeller les auteurs.

3° Voici donc deux affaires où les preuves sont apportées au moyen d’enregistrements mis en place et organisés de manière totalement différente dans chacune des deux affaires.

Dans la première par les autorités de police qui en sont d’ailleurs des acteurs sous pseudonyme, dans la seconde par le plaignant qui livre en temps quasiment réel les enregistrements aux autorités en leur demandant de surveiller les abords des lieux des rendez-vous enregistrés.

Retenez donc que la finalité ne permet pas tout ; qu’en droit français, les principes fondamentaux de loyauté, de présomption d’innocence et d’égalité des armes prévalent encore.

Mais quand la police peut-elle intervenir ?

Tant que l’intervention de l’agent a pour effet exclusif de révéler des infractions déjà commises ou en train de se commettre et d’en arrêter la continuation.

Tant qu’elle n’incite pas une personne à commettre une infraction qu’autrement elle n’aurait pas commise.

Tant que l’intervention de l’agent n’a en rien déterminé les agissements délictueux du prévenu.

La question se posera toujours de ce qui se serait passé dans l’affaire de la Sextape sans la relance de ce commissaire de Police…